Les Abitibiwinnik: plus de 6 000 ans d’histoire

Les Abitibiwinnik : plus de 6 000 ans d’histoire.

Ce texte est une adaptation d’une présentation écrite par la Corporation Archéo-08 afin de présenter leur exposition itinérante Abitibiwinni : 6 000 ans d’histoire. Fondé en 1985, Archéo-08 est un organisme à but non lucratif destiné à développer la recherche archéologique en Abitibi-Témiscamingue.

Photo 1

Photo de l’exposition Abitibiwinni : 6000 ans d’histoire.

Crédit : Collection privée de la Corporation Archéo-08

Depuis plusieurs décennies, des archéologues effectuent des fouilles en Abitibi-Témiscamingue, une région qu’on qualifie a priori de jeune en terme historique. Jeune si on ne compte que la colonisation des euro-canadiens. Pourtant, les nombreux sites archéologiques explorés révèlent une occupation humaine de la région d’au moins 6 000 ans. Les scientifiques s’entendent pour dire que ces lointaines populations sont affiliées culturellement à la famille algonquienne. Aujourd’hui, on les nomme Abitibiwinnik, en langue algonquine c’est-à-dire « gens de l’Abitibi ».

 

SONY DSC

Fouille effectuée en 2014 à la tête du rapide Kiask sur la rivière Bell dans le secteur de Lebel-sur-Quévillon.

Crédit : Collection privée de la Corporation Archéo-08

Être nomade, partir depuis toujours

Les traces d’occupation humaine mises au jour par les archéologues révèlent souvent de petits campements temporaires. Le nomadisme contribue à définir le mode de vie des Abitibiwinnik avant l’an 500 de notre ère. Durant la préhistoire ancienne, ils se déplacent au fil des saisons selon la disponibilité des ressources essentielles à leur subsistance. Ne jamais s’enraciner, partir sans cesse répond à un besoin, mais dénote aussi un goût certain pour le changement.

Photo 4 - copie

Un puits de fouille archéologique sur le site Kapitchin (DcGp-1) à l’entrée du parc national d’Aiguebelle en 2008.

Crédit : Collection privée de la Corporation Archéo-08

 

Un réseau d’échange dynamique

L’Abitibi-Témiscamingue se situe à la rencontre de deux bassins hydrographiques majeurs. Les populations qui s’y rencontrent appartiennent à diverses traditions. Pour nouer des liens, elles échangent des biens ou concluent des alliances. La formation de réseaux favorise l’importation et l’exportation des marchandises qui parcourent parfois de très longues distances. Par exemple, au lac Abitibi, les archéologues ont découvert un éclat d’obsidienne taillée provenant d’aussi loin que le centre-ouest des États-Unis. On peut dire que cet éclat de pierre a beaucoup voyagé à une époque où les distances étaient plus significatives qu’aujourd’hui !

 

SONY DSC

Récolte de surface effectuée sur les berges du lac Abitibi, à Roquemaure, en 2016.

Crédit : Collection privée de la Corporation Archéo-08

Revenir vers les siens

S’il faut gagner son territoire de chasse tous les automnes, si le départ est indispensable, revenir au lieu de rencontre convenu chaque été, c’est affirmer son appartenance au groupe et son attachement à la tradition abitibiwinni. Quand reviennent les beaux jours, les familles abitibiwinnik se rencontrent pour célébrer leurs fêtes traditionnelles. Ces rassemblements estivaux sont l’occasion de renouveler des liens sociaux (mariages) et de sceller des alliances politiques.

Tout au long de l’année, la spiritualité est intimement liée à la vie quotidienne. Les Abitibiwinnik estiment qu’ils appartiennent à la nature et que les éléments, comme le tonnerre ou le vent, sont des êtres animés susceptibles de réagir à la conduite humaine. Pour entretenir des rapports harmonieux avec le milieu et prévenir le mauvais sort, on fait appel au mandokewinni (chaman) qui sait communiquer avec le monde des esprits et canaliser les forces surnaturelles.

SONY DSC

Des éclats retrouvés dans le sable au Parc national d’Aiguebelle (DcGp-1)

Crédit : Collection privée de la Corporation Archéo-08

 

Pierre qui voyage…

Sur la rive du lac Abitibi, les archéologues ont découvert un éclat d’obsidienne. Cette découverte les laisse perplexes puisqu’il n’existe aucun gisement de cette pierre dans l’est du continent américain. Une analyse de la fluorescence des rayons X, réalisée en Orégon, a permis de caractériser chimiquement la matière première et aussi de démontrer que cet objet avait été extrait d’un gisement situé à Bear Gulch, en Idaho, à quelques kilomètres au sud-ouest du parc Yellowstone. Une autre analyse, réalisée par une équipe californienne, a permis de déterminer deux datations pour cet objet. Une première, tirée de la face ventrale, situe le moment où l’éclat a été détaché de « l’objet-mère », il y a environ 400 ans. L’autre face de l’éclat révèle, quant à elle, l’âge probable de l’outil originel, soit 2 000 ans. L’écart entre ces deux dates représente-t-il le temps qu’a mis l’objet à parcourir les milliers de kilomètres séparant sa source de son lieu d’abandon ? Ou encore est-il le reflet d’une redécouverte et d’une utilisation par les Amérindiens de l’Abitibi d’un objet abandonné un millénaire et demi auparavant par un de leurs ancêtres? Une vision fugace des premiers archéologues, en somme.

SONY DSC

Photographie de la fouille du site Réal (DdGt-9) sur les rives de la rivière Duparquet (2014).

Crédit : Collection privée de la Corporation Archéo-08

Une exposition témoignant d’une présence millénaire

Inauguré en avril 1996, l’exposition itinérante Abitibiwinni : 6 000 ans d’histoire a été coproduite par la Corporation Archéo-08, le Centre d’exposition d’Amos et la Société Matcite8eia afin de mettre en lumière le développement culturel des Abitibiwinnik au cours des 60 derniers siècles, tout en proposant une vision archéologique et ethno-historique. Trois thèmes principaux relatifs à la mouvance dans l’espace géographique permettent, par la suite, d’évoquer le dynamisme de ceux qui, depuis des millénaires, occupent la région du lac Abitibi : partir, échanger, revenir. Cette exposition qui couvrait une superficie d’environ 160 mètres carrés a été conçue et réalisée par la firme Cinémanima. Elle a été présentée dans une dizaine de lieux, surtout au Québec, mais aussi en Belgique.

SONY DSC

Fouille du site des Archers (DgGf-1) à Lebel-sur-Quévillon en 2011

Crédit : Collection privée de la Corporation Archéo-08